vendredi 25 septembre 2015

L'art dans le jeu vidéo


... Ma soirée au vernissage de l'exposition "L'art dans le jeu vidéo" qui se déroulait au Musée Art Ludique ce jeudi 24 septembre 2015. Il y avait du monde. Je dirais même plus, du beau monde. Rien de plus évident puisque l'expo rassemble les plus gros studios procréateurs du domaine vidéo-ludique français: Ubisoft, Spider, Arkane Studio, Amplitude, QuanticDream...pour ne citer qu'eux. Je ne vous cacherai pas le plaisir somme tout particulier d'être au vernissage de ce genre d’événement. Entrons !

Première salle, plongée dans une pénombre feutrée, à la lecture de l'introduction du fondateur de l’événement, la joue chauffée par les premières lumières des œuvres éclairées, premiers pavés du chemin d'or pour le pays d'Oz, ici, magicien del' ArtWork. 

Les yeux asservis à la lumière d'ivoire qui coule sur les murs blancs, on s'abreuve des premiers croquis: du décors pour Dishonored, aux lapins crétins de Peah, qui se déchirent à dents rompues contre les vikings de For Honor, on s'immerge tout entier dans un univers qui, pour la première fois, s'ouvre à un public qui ignore tout de cet univers.


Il fait chaud, les gens discutent, spéculent sur le jeu correspondant à la peinture; ils redécouvrent l'art, notre art, celui des grands maîtres du XXIe siècle. Les photographes s'amusent de compositions publiques; les yeux brillent, et on entend les premiers habitués chercher leurs collègues, fiers de connaître ceux qui figurent ici, comme des Sardanapales toujours vivants.

Et je pénètre plus encore dans la caverne des quarante voleurs, nébulisé par les couleurs qui dansent dans la pièce à côté. Telle le salon de Dorian Gray, les murs sont fichés de dizaines de grandes peintures numériques: Assassin's Creed, Red Steel 2, Of Orcs and Men, Dishonored 2, Heavy Rain...en quelques minutes, nous avions parcouru des milliers de kilomètres, en nous enfonçant dans l'histoire, en percutant les rêves de monde qui n'existent plus uniquement dans la tête de leurs maîtres.

L'expo se grandit, et les œuvres qu'elle propose se transforment. Une mosaïque forte à propos, structurée de ciel, de terre et de mer, sur lesquels marchent les rêves japonisant d'un Red Steel, jusqu'à l'envoûtant chant d'un Far Cry qui berce les luminaires pendus au-dessus de nos pensées.


Et je rencontre plus intimement certains artistes, plus fort, plus enivrant, car on boit à plus soif cette prouesse à exploser un univers partant de blanc, à peindre cette lumière qui vous chauffe le visage, à aimer cette femme qui vous regarde et à détester cet homme qui la bat. On se fait un scénario de l'histoire pourtant figée qui nous est donnée en pâture.
Alors, on relativise par une promenade dans le vieux Paris du XVIIIe siècle qui sent le poisson, le parfum poivré et la poudre, résultat presque palpable des travaux jusque-là observés.


Alors je me sens observé, on me scrute, les ronde-bosses de Treavor Pendlton et Piero Joplin sifflent des mots de glaise, alors que l'on observe l’artiste au travail. La pièce est envoûtante, et l'on entend presque les tintements de cristal des verres pleins de complots. Je glisse avec furtivité pour observer les petites nanas d'Ankama qui sourient et taquinent les chouchoux aux couleurs d'arc-en-ciel. C'est l'odeur de plantes farfelues qui parfument trop discrètement la salle.


Sur quelques recoins de présentation, on retrouve les animaux fantasmagoriques de Benoît Sokal. Mon regret persiste encore aujourd'hui de ne pas avoir vu une dernière fois les dessins de l'oiseau blanc d'Alexandre Valembois.  Mais avant de partir, on retrouve de beaux hommages, des noirs profonds de Murnau, aux affiches d'entre-guerre, aux encres d'Amano.


Alors, je sors, par un unique passage chez l'apothicaire, pour emporter avec moi, un exemplaire du breuvage de cet art, dont j'espère pouvoir en parler comme un millésime 2015.

Il est tard. Mon estomac réclame les mêmes faveurs que mon imagination. Je me retire, en route vers Lili&Marcel, le cœur chaud, avec pour seule interrogation, la légitimité de certains auteurs qui n'ont le droit qu'à leur nom à côté de la sortie de secours, à copiner avec l'extincteur, trop loin de leur création.

Alors, je vous le dis: levez-vous un samedi matin, brunchez sur les quais de la capitale, et allez faire cette expo, parce que ça vaut mieux qu'un 95+ !!

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* les illustrations présentes dans cet article ne sont pas issues de l'exposition afin que vous puissiez, comme moi, profitez de la découverte.

Madasama